Sujet Bac (commentaire d'Alfred de Musset) - Copie d'élève
Ce que l'on peut atteindre avec une année de travail sérieux !
Juliette Quenot & Sixtine (élève de Première)
12/10/20248 min read
SUJET : Alfred de MUSSET, Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée (1845)
LE COMTE.
Vous riez de tout ; mais, sincèrement, serait-il possible que, depuis un an, vous voyant presque tous les jours, faite comme vous êtes, avec votre esprit, votre grâce et votre beauté…
LA MARQUISE.
Mais mon Dieu ! c’est bien pis qu’une phrase, c’est une déclaration que vous me faites là. Avertissez au moins : est-ce une déclaration, ou un compliment de bonne année ?
LE COMTE.
Et si c’était une déclaration ?
LA MARQUISE.
Oh ! c’est que je n’en veux pas ce matin. Je vous ai dit que j’allais au bal, je suis exposée à en entendre ce soir ; ma santé ne me permet pas ces choses-là deux fois par jour.
LE COMTE.
En vérité, vous êtes décourageante, et je me réjouirai de bon cœur quand vous y serez prise à votre tour.
LA MARQUISE.
Moi aussi, je m’en réjouirai. Je vous jure qu’il y a des instants où je donnerais de grosses sommes pour avoir seulement un petit chagrin. Tenez, j’étais comme cela pendant qu’on me coiffait, pas plus tard que tout à l’heure. Je poussais des soupirs à me fendre l’âme, de désespoir de ne penser à rien.
LE COMTE.
Raillez, raillez ! Vous y viendrez.
LA MARQUISE.
C’est bien possible ; nous sommes tous mortels. Si je suis raisonnable, à qui la faute ? Je vous assure que je ne me défends pas.
LE COMTE.
Vous ne voulez pas qu’on vous fasse la cour ?
LA MARQUISE.
Non. Je suis très bonne personne, mais quant à cela, c’est par trop bête. Dites-moi un peu, vous qui avez le sens commun, qu’est-ce que signifie cette chose-là : faire la cour à une femme ?
LE COMTE.
Cela signifie que cette femme vous plaît, et qu’on est bien aise de le lui dire.
LA MARQUISE.
À la bonne heure ; mais cette femme, cela lui plaît-il, à elle, de vous plaire ? Vous me trouvez jolie, je suppose, et cela vous amuse de m’en faire part. Eh bien, après ? Qu’est-ce que cela prouve ? Est-ce une raison pour que je vous aime ? J’imagine que, si quelqu’un me plaît, ce n’est pas parce que je suis jolie. Qu’y gagne-t-il à ces compliments ? La belle manière de se faire aimer que de venir se planter devant une femme avec un lorgnon, de la regarder des pieds à la tête, comme une poupée dans un étalage, et de lui dire bien agréablement : Madame, je vous trouve charmante ! Joignez à cela quelques phrases bien fades, un tour de valse et un bouquet, voilà pourtant ce qu’on appelle faire sa cour. Fi donc ! Comment un homme d’esprit peut-il prendre goût à ces niaiseries-là ? Cela me met en colère, quand j’y pense.
LE COMTE.
Il n’y a pourtant pas de quoi se fâcher.
LA MARQUISE.
Ma foi, si. Il faut supposer à une femme une tête bien vide et un grand fonds de sottise, pour se figurer qu’on la charme avec de pareils ingrédients. Croyez-vous que ce soit bien divertissant de passer sa vie au milieu d’un déluge de fadaises, et d’avoir du matin au soir les oreilles pleines de balivernes ? Il me semble, en vérité, que, si j’étais homme et si je voyais une jolie femme, je me
dirais : Voilà une pauvre créature qui doit être bien assommée de compliments. Je l’épargnerais, j’aurais pitié d’elle, et, si je voulais essayer de lui plaire, je lui ferais l’honneur de lui parler d’autre chose que de son malheureux visage. Mais non, toujours : Vous êtes jolie, et puis : Vous êtes jolie, et encore jolie. Eh, mon Dieu ! on le sait bien. Voulez-vous que je vous dise ? vous autres hommes à la mode, vous n’êtes que des confiseurs déguisés.
[AMORCE] Le romantisme est un mouvement littéraire de la première moitié du 19ème siècle. Le thème principal de ce mouvement est l’exploration des sentiments. [AUTEUR] Un des auteurs emblématiques du romantisme est Alfred de Musset. Ce dernier était notamment un dramaturge. Il est réputé pour ses pièces On ne badine pas avec l’amour ou encore Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, [TEXTE] un proverbe publié en 1845 dans la prestigieuse Revue des Deux Mondes. L’extrait étudié est tiré de cette dernière pièce. Dans ce passage, le Comte déclare son amour à la Marquise, mais cette dernière a une réaction assez inattendue. [PROBLÉMATIQUE] Nous répondrons à la question suivante : comment Alfred de Musset, dans cette scène de déclaration amoureuse qui relève du registre comique, remet en cause les rituels amoureux stéréotypés. [PLAN] Nous analyserons d’abord la déclaration amoureuse, puis l’aspect comique de la pièce et enfin la remise en cause des stéréotypes amoureux par Alfred de Musset.
[IDÉE DIRECTRICE I.] Tout d’abord, nous allons étudier la mise en scène de la déclaration amoureuse.
[IDÉE DIRECTRICE I. A.] Commençons par le point de vue du Comte. [DÉVELOPPEMENT] Le Comte rend donc visite à la Marquise pour lui déclarer son amour. Pour ce faire, il use de l’énumération « avec votre esprit, votre grâce et votre beauté » qui lui permet d’exprimer ses sentiments avec force et conviction. Par ailleurs, il utilise le conditionnel présent « serait-il possible », qui révèle qu’il n’est pas sûr de lui et appréhende la réaction de la Marquise. Nous retrouvons ce manque de confiance dans l’interrogation « Et si c’était une déclaration ? ». Le Comte souhaite connaître la réaction de la Marquise avant de lui annoncer quoi que ce soit, il prend des précautions pour ne pas être rejeté. Cependant, la Marquise n’accepte pas sa déclaration et le Comte répond à ce rejet par une négation totale : « Vous ne voulez pas qu’on vous fasse la cour ». [CONCLUSION I. A.] Alfred de Musset parvient ainsi à rendre compte de la tristesse du Comte.
[IDÉE DIRECTRICE I. B.] La Marquise semble choquée par cette déclaration d'amour. [DÉVELOPPEMENT] Elle laisse échapper plusieurs interjections comme « Mais, mon Dieu » ou encore « Oh ! », qui traduisent son étonnement et sa lassitude. Elle fait semblant d’avoir mal compris le Comte, comme le montre l’interrogation alternative « Est-ce une déclaration ou un compliment de bonne année ? », mais la suite du dialogue révèle qu’elle avait bien saisi le sens de ses paroles. Au cours de la conversation, la marquise est de plus en plus indignée, comme le montre l’adjectif péjoratif dans l’expression « quelques phrases bien fades ». [CONCLUSION I. B.] Il semble donc que la Marquise soit fatiguée de ce compliment banal.
[TRANSITION I. - II.] Nous avons vu comment Alfred de Musset met en scène la déclaration amoureuse en analysant successivement le point de vue du Comte et celui de la Marquise. Nous allons maintenant étudier les ressorts comiques de la scène, à travers l’ironie et le comique de caractères.
[IDÉE DIRECTRICE II.] Cet échange entre le Comte et la Marquise semble avant tout écrit pour amuser le lecteur.
[IDÉE DIRECTRICE II. A.] Premièrement, Alfred de Musset parsème le texte de remarques ironiques. [DÉVELOPPEMENT] Nous pouvons prendre pour exemple l’emploi de la négation totale « c’est que je ne veux pas ce matin ». La Marquise dit cela comme si elle parlait d’une activité ordinaire de sa journée. De surcroît, elle déclare ensuite « je vous ai dit que j’allais au bal, je suis exposée à en entendre ce soir ». La juxtaposition des deux propositions traduit un certain empressement, une fois de plus comme si le discours amoureux était pour elle une banalité. Enfin, on note une exagération, « je donnerais de grosses sommes pour avoir seulement un peu de chagrin ». L’auteur et le lecteur s’amusent de la maladresse de la Marquise. En effet, un tel propos peut être amer pour le Comte qui, lui, souffre réellement. [CONCLUSION II. A.] En résumé, Alfred de Musset utilise l’ironie pour amuser le lecteur par l’intermédiaire de la Marquise.
[IDÉE DIRECTRICE II. B.] Alfred de Musset a également recours au comique de caractères à travers le personnage du Comte. [DÉVELOPPEMENT] Ce dernier dit par exemple « Vous riez de tout » avec regret. Le présent de l’indicatif à valeur d’habitude semble suggérer ici que la Marquise ne prend jamais ses paroles au sérieux. Le complément circonstanciel de temps « depuis un an » renforce cette idée. Enfin, on note la question rhétorique de la Marquise : « Comment un homme d’esprit peut-il prendre goût à ces niaiseries-là ? ». C’est une façon pour elle d’ignorer les sentiments du Comte, et pour Alfred de Musset d’amuser le lecteur avec ce personnage d’amant persévérant mais malheureux. [CONCLUSION II. B.] Dès lors, le comique de caractères contribue également à l’intérêt de la scène.
[TRANSITION II. - III.] Nous venons d’analyser les ressorts comiques de la scène, à travers l’ironie et le portrait ridicule du Comte. Nous allons à présent étudier la façon dont Alfred de Musset remet en cause les stéréotypes de la déclaration amoureuse, en soulignant l’impatience de la Marquise et en explicitant la morale de la scène.
[IDÉE DIRECTRICE III.] Un peu à la manière des auteurs classiques, Alfred de Musset cherche à « plaire et instruire » dans le même temps. La scène est comique mais aussi édifiante car elle interroge les stéréotypes du langage amoureux.
[IDÉE DIRECTRICE III. A.] Dans cette scène, la Marquise se montre très vite agacée par le langage du Comte. [DÉVELOPPEMENT] On le voit tout d’abord avec la tournure « que vous ne fabriquiez-là », assez familière pour un personnage de ce rang social. Ensuite, dans sa tirade qui commence par « À la bonne heure », elle pose cinq questions sans laisser au Comte le temps de répondre et de se défendre. Il s’agit d’interrogations directes, ce qui renforce l’aggressivité de l’échange. La Marquise semble fâchée avec la séduction car elle regrette que les hommes manquent d’originalité. Elle résume ce manque d’originalité dans l’énumération « quelques phrases bien fades, un tour de valse et un cornet de bonbons », qui résume le rituel amoureux. On peut noter également la périphrase péjorative « de pareils ingrédients », qui va dans le même sens. [CONCLUSION III. A.] De cette manière, Alfred de Musset souligne l’impatience de la Marquise et utilise ce personnage pour se moquer d’un langage amoureux manquant d’originalité.
[IDÉE DIRECTRICE III. B.] La Marquise ne déplore pas seulement ce manque d’originalité, elle regrette aussi que les femmes ne puissent être aimées que pour leur beauté physique, au détriment de leurs autres qualités. [DÉVELOPPEMENT] La Marquise le fait comprendre avec une question rhétorique « Cela lui plaît-il à elle, de vous plaire ? », suggérant que les femmes ne sont pas nécessairement réceptives aux compliments sur leur beauté. Nous pouvons aussi remarquer la comparaison « comme une poupée dans un étalage », qui rapproche la femme d’un objet de convoitise. Enfin, quand la marquise s’imagine dans l’autre rôle (« Si j’étais un homme et si je voyais une jolie femme... »), elle affirme qu’elle chercherait à parler d’autre chose que de beauté. La proposition subordonnée circonstancielle, placée en début de phrase et introduite par la conjonction de subordination « si » renforce l’importance de cette hypothèse. [CONCLUSION III. B.] En somme, à travers la réaction indignée de la Marquise, Alfred de Musset rappelle à son lecteur que les femmes ne veulent pas être aimées uniquement pour leur beauté.
[TRANSITION III. - CONCLUSION GÉNÉRALE] Nous venons donc de voir comment Alfred de Musset cherche à élever son lecteur en l’incitant à renouveler son langage amoureux et à s’intéresser de façon plus authentique à la femme aimée.
[RÉSUMÉ & RÉPONSE À LA PROBLÉMATIQUE] En résumé, Alfred de Musset nous propose une scène de déclaration amoureuse aussi amusante qu’instructive, en s’appuyant sur le contraste entre les points de vue des personnages, sur l’ironie et sur le comique de caractères. [OUVERTURE] Nous pourrions rapprocher cette scène de l’acte III, scène 5 du Malade imaginaire de Molière, quand Thomas Diaffoirus délivre un compliment ridicule à sa promise Angélique.
Sixtine.
Élève de Première
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